Richard Thaler et le Nudge : Révolutionner la finance comportementale

Publié le 14/05/2018

8 min
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Richard Thaler, éminent professeur à la Chicago Booth School of Business, est largement reconnu comme l’un des piliers fondateurs de l’économie comportementale, aux côtés de figures illustres telles que Daniel Kahneman et Robert Shiller.

Son travail pionnier a joué un rôle crucial dans le développement de cette discipline, en explorant les interactions entre décisions économiques et processus psychologiques. Le 9 octobre 2017, cet apport exceptionnel à la compréhension des mécanismes économiques à travers le prisme de la psychologie humaine a été salué par l’Académie Royale des Sciences de Suède, qui lui a décerné le prestigieux Prix Nobel de Sciences Économiques.

Cette récompense souligne l’importance et l’impact de ses recherches, qui ont non seulement enrichi la théorie économique mais ont également ouvert de nouvelles voies pour des applications pratiques visant à améliorer les décisions financières et politiques.

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Richard Thaler impose définitivement l’économie comportementale comme une école de pensée majeure de la micro-économie

L’économie comportementale est l’application des recherches en psychologie à l’économie et vise à expliquer les comportements non-rationnels adoptés par les êtres humains lorsqu’ils sont confrontés à un choix économique. La finance comportementale est un sous-domaine de l’économie comportementale qui se concentre sur la vision collective des comportements sur les marchés financiers.

Le domaine n’est pas nouveau puisque l’Académie des sciences a récompensé à plusieurs reprises des chercheurs travaillant sur des sujets connexes et ayant trait respectivement aux processus de décisions d’investissement avec H. Simon en 1978, à la combinaison des acquis des études en psychologie et en économie avec D. Kahneman en 2002 et à la finance comportementale avec R. Shiller en 2013.

Si les travaux de R. Thaler et de D. Kahneman se sont nourris mutuellement depuis leur rencontre à l’université de Stanford dans les années 1970, R. Thaler se fait connaître du grand public par la publication du livre « Nudge – La méthode douce pour inspirer la bonne décision », co-écrit avec C. R. Sunstein, professeur à l’université de droit de Harvard. Le point de départ de l’étude est simple : tous les jours nous prenons des décisions sur des sujets variés allant du choix de l’école pour nos enfants à l’investissement de notre épargne, en passant par la nourriture que nous mangeons et les causes que nous défendons.

Malheureusement nous ne faisons pas toujours les bons choix, ou tout du moins pas les choix optimaux car nous sommes soumis à des biais comportementaux nous empêchant d’aller objectivement au bout du processus de pensée qu’implique chaque choix. En conséquence, nos erreurs nous rendent en moyenne plus pauvres et en moins bonne santé que notre potentiel ne le permettrait. Si nous savons expliquer comment les gens pensent, nous pouvons structurer un environnement qui aiderait chacun à choisir ce qui est mieux pour lui, pour sa famille et sa société.

L’homme n’est pas un être rationnel et n’agit pas en vue de « maximiser son utilité »

Bien que R. Thaler soit professeur de sciences du comportement et d’économie à l’Université de Chicago, il ne s’est donc pas rattaché à son école de pensée, dite « de Chicago », menée par M. Friedman, au sujet de l’homo œconomicus. La notion d’homo œconomicus recouvre un paradigme visant à expliquer le comportement de l’être humain à la base de la théorie néoclassique d’économie.

Cette théorie décrit l’humain comme un agent irrémédiablement rationnel dans ses choix, intéressé tout d’abord par lui-même et poursuivant ses objectifs de façon optimale. Il tenterait de maximiser son utilité en tant que consommateur et son profit en tant que producteur. Une grande partie des sciences économiques s’était donc à tort constituée en distinguant le comportement de l’homme dans ses interactions à la vie économique de l’approche morale de ses prises de décisions.

En résumé, l’homo œconomicus serait l’homme moyen, dont le comportement serait en moyenne « rationnel » et gérerait donc ses ressources avec pour seul objectif de maximiser son utilité globale. Il saurait exactement ce qu’il veut et saurait valoriser ce qu’il veut. Mais ce courant de pensée a exclu de son analyse toutes les notions morales liées au don, au sens de la justice et au comportement social collectif.

Les écueils de cette théorie économique sont donc nombreux et partent pour certains d’eux de la définition même des notions qu’elle utilise. La notion d’utilité n’est qu’une façon de rassembler l’ensemble des préférences de l’être humain dans une seule théorie mais dont les économistes n’ont pas cherché à pénétrer en profondeur le sens.

En opposition, c’est tout d’abord l’école autrichienne qui réfute cette approche. Ludwig von Mises, son représentant le plus éminent déclare dans son ouvrage maître « L’action humaine » de 1949 : « L’économie traite des actions réelles d’hommes réels. Ses théorèmes ne se réfèrent ni à des hommes parfaits ou idéaux ni au fantôme mythique de l’homo œconomicus ni à la notion statistique de l’homme moyen».

L’économie comportementale de R. Thaler vient conforter cette vision et démontre de manière pragmatique et expérimentale le manque de rationalité de l’humain dans ses choix économiques.

Les apports de R. Thaler en sept points clés

La colonne vertébrale de la pensée de R. Thaler et en particulier de son dernier ouvrage « Misbehaving. The Making of Behavioural Economics », est que la planète est peuplée d’humains et non d’agents économiques rationnels. L’humain ne sait pas forcément ce qu’il veut, ni ne sait déterminer la valeur de tout ce qu’il veut. L’humain peut donc « mal » se comporter (misbehave), ce qui a des conséquences que personne ne peut ignorer sur l’analyse de ses actes économiques.

C’est bien un comportement humain non optimal et non rationnel qui est à l’origine de la bulle spéculative immobilière causant en partie la crise financière de 2008, et non des agents économiques tirés des modèles reposant sur une rationalité sans faille.

Au-delà, nous pouvons regrouper les apports de R. Thaler en sept points essentiels.

L’économie comportementale remet au centre de ses analyses les études expérimentales et non purement théoriques.

L’économie comportementale est un des changements de paradigme (cf. paradigm shift de Thomas Kuhn[1]) les plus importants sur la manière dont est pensée la micro-économie : au lieu de partir des théories économiques et mathématiques pour expliquer le comportement humain, l’économie comportementale encourage les économistes à se baser sur l’observation des comportements pour ajuster et réinterpréter la théorie économique. Ce changement peut servir le bien commun en aidant le politique à mieux cerner les choix d’une typologie d’acteurs.

L’observation du processus de décision des traders en banque peut par exemple aider les instances de régulation à mieux encadrer leurs activités.

L’économie comportementale s’attend à ce que l’humain agisse en humain et donc souvent de manière irrationnelle.

R. Thaler prend l’exemple du choix que devrait prendre une personne recevant un cadeau dont elle a envie, mais qui a par ailleurs des obligations financières.

Admettons qu’une personne désire aller voir Led Zeppelin en concert mais que le prix du billet est bien trop important au regard d’autres dépenses prioritaires (paiement des factures, remboursement d’un crédit, etc.). Dans la théorie économique traditionnelle, si la personne reçoit en cadeau un ticket pour le concert, elle devrait le revendre et utiliser les fonds pour les actes jugés prioritaires. L’observation montre que la plupart des personnes conserveraient bien évidemment le cadeau et irait au concert.

Même les experts agissent de manière irrationnelle.

L’économie traditionnelle pense en effet que les agents rationnels sont récompensés à la suite d’une série de choix raisonnés puis deviennent experts et maîtrisent leur sujet (l’investissement ou encore la valorisation d’actifs par exemple). Les personnes ne remettent donc pas en cause le bien-fondé de ces soi-disant experts et pensent qu’ils ont leur place puisque c’est le marché, qui est rationnel, qui leur a donné par consensus toute légitimité et la possibilité de faire des choix d’investissement ou de valorisation.

Or les exemples abondent sur les phénomènes de marché irrationnels comme ce jour d’octobre 1929 où le marché américain a perdu 22% sans aucune information financière annonciatrice d’une crise mais où les traders commencèrent à vendre massivement leurs actifs.

Les économistes doivent utiliser les données expérimentales dont celles issues des sondages afin de déterminer la manière dont l’humain réalise ses choix économiques.

Thaler prend l’exemple de la détermination du prix des pelles à neige.

En cas de tempête de neige, la théorie classique enjoindrait les vendeurs de pelles à neige à augmenter leurs prix, la demande étant amenée à augmenter ; les acheteurs seraient prêts à payer plus. Dans un article de 1996, R. Thaler et D. Kahneman rapportent les résultats de leur sondage auprès d’un échantillon représentatif de Canadiens.

Ces derniers trouvent que l’augmentation du prix ne serait pas juste et les vendeurs risqueraient donc de s’attirer les foudres des acheteurs en voulant profiter de la situation. Une enquête aux fondements certes moins scientifiques par le consultant Rafi Mohammed montra des résultats différents puisque les sondés déclaraient qu’ils seraient d’accord avec une légère augmentation du prix. Cette dichotomie montre l’importance de comparer plusieurs échantillons de données plutôt que de se contenter de résultats issus d’une seule théorie.

L’humain est averse à la dépossession.

L’économie comportementale appelle cette aversion l’endowment effect : nous attribuons plus de valeur à une même chose lorsqu’elle nous appartient que lorsqu’elle ne nous appartient pas.

Une expérience a été menée en 2006 pour mettre en lumière cette aversion. Les chercheurs ont donné 50$ à deux lots de participants. Pour le premier lot, on leur a donné par la suite deux choix : garder 30$ ou parier la totalité des 50$ avec une chance de 50% de tout perdre. Sur ce premier lot, 43% a décidé de parier. Pour le deuxième lot, les deux choix étaient les mêmes, sauf qu’on a formulé le premier choix différemment : perdre 20$ ou parier la totalité des 50$ avec une chance de 50% de tout perdre.

Sur ce deuxième lot, 61% a parié. Bien que les choix offerts étaient exactement les mêmes sur les deux lots, les participants du premier lot sentaient qu’ils gagnaient quelque chose gratuitement, alors que dans le second cas, on leur a expliqué qu’ils perdaient de l’argent sur le premier choix. La plupart a donc préféré parier afin de conserver ce qu’ils pensaient être à eux, la totalité des 50$. Ils étaient averses à la sensation de perte.

L’humain veut payer la somme qu’il pense devoir payer en fonction du processus de transaction.

La justesse perçue du prix payé et le processus transactionnel comptent plus que le prix lui-même.

Dans un premier cas, une personne voit un hula hoop à 20$ et le trouve trop cher. Dans un second cas, la personne a un coupon de 5$ pour un hula hoop qui en coûte 25$, elle l’achète. Le fait que le référentiel soit 25$ et qu’elle gagne 5$ n’aurait pas dû jouer dans les théories traditionnelles mais a bien un effet en économie comportementale, le monde réel. Le hula hoop devient plus attirant du fait des conditions de la transaction, raison pour laquelle beaucoup de magasins utilisent les coupons en faisant sentir à l’acheteur qu’il fait une bonne affaire.

La société dans son ensemble devrait nous donner un coup de pouce (« nudge ») pour pallier notre manque de rationalité.

Ce point a plus largement été développé dans son livre « Nudge – La méthode douce pour inspirer la bonne décision ». Un « nudge », littéralement un encouragement, permet en économie d’améliorer le comportement humain dans le sens du bien commun.

Un des exemples de « nudge » donné par R. Thaler est la mouche dessinée dans les toilettes pour hommes afin qu’ils concentrent leur attention, altérant ainsi leurs comportements, pour le bien commun.

Un exemple touchant cette fois tout le monde est l’encouragement à l’épargne. Les gens n’épargnent pas le montant optimal car ils assimilent l’épargne à une perte (la perte de pouvoir consommer dans le présent). L’économie comportementale les aide à épargner plus via deux approches : les processus d’automatic enrollment et de Save More Tomorrow.

Prenons l’exemple de l’épargne d’entreprise. Les processus classiques de souscription aux produits d’épargne (faire un choix de souscrire ou pas, imprimer et remplir les formulaires, envoyer des courriers) empêchent beaucoup de personnes d’épargner. L’automatic enrollment prend le problème à l’envers : le salarié souscrit et épargne automatiquement à moins qu’il ne remplisse un formulaire. Le nombre de personnes souscrivant augmente alors largement.

Les gens n’aiment donc pas cocher des cases et remplir des formulaires, ceci est également prouvé dans d’autres domaines comme le don d’organes : en Allemagne lors du passage du permis de conduire, on demande au candidat de cocher une case s’il souhaite être donneur d’organes alors qu’en Autriche on lui demande de la cocher s’il ne le souhaite pas. Résultats : 12% la cochent en Allemagne et 1% la cochent en Autriche, soit 12% de donneurs en Allemagne contre 99% en Autriche.

Le concept de Save More Tomorrow de R. Thaler et S. Benartzi est un « nudge » pour aider les gens à faire ce qu’ils voudraient mais ne trouvent pas le temps de faire ou déclare ne pas souhaiter le faire aujourd’hui. Il pallie la paresse et l’inertie du processus décisionnel. De la même manière que les gens qui disent vouloir faire un régime voudraient commencer demain mais certainement pas ce soir, les personnes pouvant épargner plus ne veulent pas le faire dès à présent.

Une des solutions proposées par les chercheurs est simple : lorsqu’une personne touche une augmentation de salaire, une partie est allouée automatiquement à de l’épargne supplémentaire, avant même que la personne ne se soit habituée à la gratification totale. Cet auto-pilote contrecarre ainsi l’aversion à la dépossession. Une des entreprises conseillées par les chercheurs a d’ailleurs vu le taux d’épargne de ses salariés passer de 3% à 14% en 5 ans.

Les résultats des travaux de R. Thaler et C. R. Sunstein ont été appliqués avec succès par le gouvernement britannique de D. Cameron, montrant qu’il était possible et légitime pour des institutions privées et publiques d’affecter le comportement des citoyens en leur laissant la liberté de choix. Ce concept a été appelé « libertarian paternalism ».

Ce que Nalo en retire et fait pour vous

Conscients du challenge que représentent les prises de décision dans l’environnement financier, nous avons développé des algorithmes puissants permettant de mieux concevoir les allocations de nos clients et ainsi éliminer les biais comportementaux auxquels nous sommes exposés.

Par ailleurs, puisque vous n’aimez pas cocher des cases, nous activons par défaut l’option de réduction progressive du risque de votre portefeuille afin de mieux optimiser la prise de risque sur le long terme. Nous vous laissons bien évidemment la main pour désactiver l’option à tout moment.

L’essentiel

  • Ce prix consacre une révolution de pensée, dans la lignée de ceux déjà attribués aux précurseurs de l’économie comportementale ;
  • L’économie comportementale, en opposition du schéma classique de l’homo œconomicus, considère l’humain tel qu’il est, donc non rationnel ;
  • Parmi les points clés issus des travaux de R. Thaler, le « nudge » nous aide à prendre de meilleures décisions pour épargner.

Sources

[1] Le « paradigm shift » ou changement de paradigme, concept créé par le physicien et philosophe américain Thomas Kuhn (1922-1996), est un changement fondamental dans les concepts de base et les pratiques expérimentales d’une discipline scientifique.

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