Daniel Kahneman : Comprendre les biais cognitifs qui influencent nos décisions

Publié le 22/05/2017

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Chaque jour, nous prenons des décisions basées sur notre perception du monde, mais combien de ces décisions sont réellement objectives ? Daniel Kahneman, lauréat du prix Nobel d’économie et expert en psychologie cognitive, a passé une grande partie de sa carrière à explorer cette question. Ses travaux ont révélé une série de biais cognitifs qui influencent subtilement notre jugement et nos choix, souvent à notre insu. Dans cet article, nous plongerons dans l’univers fascinant de Kahneman pour découvrir comment ces mécanismes mentaux peuvent nous tromper, et comment nous pouvons apprendre à les reconnaître pour prendre des décisions plus éclairées.

Daniel Kahneman : de la psychologie à la révolution économique

Daniel Kahneman : un pionnier à la croisée de la psychologie et de l’économie

Daniel Kahneman transcende les frontières traditionnelles entre la psychologie cognitive et l’économie. Reconnu pour son expertise en psychologie, c’est dans l’arène économique qu’il a laissé une empreinte indélébile. Récompensé par le prix Nobel d’économie en 2002, son parcours illustre parfaitement comment les insights psychologiques peuvent révolutionner notre compréhension des marchés financiers et des comportements économiques.

Contributions majeures et influence sur l’économie comportementale

Kahneman, en collaboration avec Amos Tversky, a profondément remanié la théorie économique classique en intégrant la psychologie humaine dans l’analyse des décisions financières. Leur travail a dévoilé des comportements économiques atypiques, illustrant comment les décisions de risque sont souvent altérées par des biais cognitifs. Ces découvertes ont jeté les bases de l’économie comportementale, un champ qui s’intéresse aux effets des variables psychologiques sur les décisions économiques des individus et des institutions.

L’économie du bonheur et l’irrationalité humaine

Au-delà de l’économie comportementale, Kahneman a exploré la psychologie derrière les choix et décisions, contribuant à l’émergence de l’économie du bonheur. Ses recherches révèlent que les comportements économiques dévient souvent de la rationalité pure. Influencés par une série de biais cognitifs, les individus peuvent agir de manière qui, bien qu’apparemment irrationnelle, est profondément humaine.

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Un héritage durable

Daniel Kahneman n’est pas seulement un psychologue émérite; il est un innovateur dont les travaux ont redéfini notre compréhension des dynamiques économiques et comportementales. Il a non seulement changé la façon dont les économistes envisagent les marchés et les choix financiers, mais a également enrichi notre perception des décisions quotidiennes, révélant la complexité et la nuance de l’expérience humaine dans le domaine économique.

Pour en savoir plus sur la finance comportementale : Robert Shiller ou l’Exubérance irrationnelle.

Le cerveau selon Kahneman : deux systèmes, deux vitesses de pensée

Pour comprendre pourquoi l’être humain est biaisé dans ses décisions, Daniel Kahneman schématise le fonctionnement du cerveau en deux systèmes de pensée : l’un intuitif, l’autre réfléchi et logique.

Ces deux systèmes n’ont pas d’existence physique. Le cerveau n’est pas ainsi divisé, mais c’est là une façon de souligner deux fonctionnements différents.

Le système 1

Le premier système fonctionne en mode automatique, il ne demande aucun effort et on ne peut pas le contrôler. Il opère par association d’idées : une image ou un mot déclenche une idée, puis d’autres en cascade3. Il permet par exemple d’identifier des situations familières et d’en déduire le comportement adapté. Ces associations sont cohérentes entre elles, cependant, elles ne forment pas un raisonnement logique. Issue de millions d’années d’évolution, cette façon instinctive de fonctionner est très efficace pour réaliser nos tâches de tous les jours mais elle est à l’origine d’illusions et de biais.

Posez-vous la question suivante : “Dans son arche, combien d’animaux de chaque espèce Moïse a-t-il transporté ?“ Le nombre de personnes qui détecte une erreur dans cette question est tellement faible qu’on lui a donné un nom “L’illusion de Moïse”. Moïse n’a sauvé aucun animal dans son arche, mais Noé oui. L’idée de l’Arche et celle de Moïse ne gène pas le système 1 car elles s’associent correctement, les deux idées étant des références bibliques.

Cette aisance qu’a notre cerveau à nous tromper se manifeste davantage lorsque nous sommes dans un environnement agréable et hospitalier. Daniel Kahneman relate ainsi une expérience surprenante dans laquelle des étudiants doivent répondre à des questions comme celle de l’illusion de Moïse. Pour un premier panel d’étudiants, les questions sont correctement imprimées sur une feuille. Pour le second panel, l’impression est de mauvaise qualité et lire les questions demande un effort de concentration supplémentaire. Curieusement, le premier panel est piégé dans 90% des cas. Le second panel ne se trompe que dans 35% des cas. L’effort de concentration demandé dans le second cas, bien que décorrélé des questions posées, permet de déclencher le second système, « le système 2 », lequel est bien plus vigilant.

Le système 2

Le système 2 est réfléchi et logique. C’est lui qui permet de réaliser des opérations complexes, c’est à lui que vous faites appel lorsque vous essayez de calculer 21*76. Cependant, le système 2 a un gros défaut : il est paresseux. Ainsi dans l’expérience précédente, il a fallu trouver un subterfuge pour aider les étudiants à déclencher leur deuxième système de pensée.

Lorsque vous réalisez un raisonnement exigeant, votre cerveau consomme plus de glucose, vos pupilles se dilatent et votre rythme cardiaque s’accélère très légèrement 4. Cela s’apparente à un effort physique et que ce soit pour courir un sprint ou pour mener une réflexion poussée, l’être humain est partisan du moindre effort.

Lorsque le système 2 se déclenche, il entre en conflit avec le premier système. Pour le vérifier, profitez d’une promenade à plusieurs. Cette marche mécanique est opérée par le système 1. Demandez alors à vos acolytes de calculer 21*76. Il est probable que pour vous répondre, ils se sentent obligés d’arrêter de marcher.

Les biais cognitifs

Le fonctionnement du cerveau humain décrit plus haut entraîne des biais comportementaux. C’est-à-dire des erreurs systématiques dans la façon de se comporter ou de raisonner.

Malheureusement, les biais cognitifs ne se limitent pas aux énigmes imaginées par les chercheurs. Ils piègent les professionnels de tous les secteurs d’activité : médecins, juges, ou encore hommes politiques. Les professionnels de la finance ne sont pas épargnés, bien au contraire. Passons en revue quelques-uns de ces biais cognitifs.

Le biais de substitution

Le mécanisme de substitution est fréquent. Il consiste à répondre à une question complexe en répondant à une question différente, plus simple, sans s’en rendre compte. On substitue ainsi un problème à un autre.

Les analystes financiers et les investisseurs professionnels, dont le rôle est de sélectionner des entreprises en fonction de leurs performances boursières futures doivent répondre à cette question : “Quels titres financiers vont performer dans les mois ou les années à venir ?” Cette question est extrêmement difficile. Il est même impossible d’y apporter une réponse exhaustive. Les facteurs qui influencent le cours de bourse d’une action sont innombrables : économiques, politiques, managériales, psychologiques, etc. À cette question, les professionnels de la finance substituent d’autres questions plus simples : “Quel est l’état financier de l’entreprise ?” ou encore “Quelles sont les perspectives de croissance de l’entreprise ?” Ces questions ne sont pas faciles non plus et nécessitent des connaissances solides en finance. Cependant, elles n’apportent qu’une fraction de réponse à la question initiale, fraction malheureusement insuffisante. Les études cherchant à mesurer la performance des gérants des fonds d’investissement montrent que leur pouvoir prédictif est nul et qu’ils sont, en moyenne, incapables de sélectionner durablement les “actions championnes”.

L’heuristique d’affect

L’heuristique d’affect a un fonctionnement qui est proche. Il consiste à prendre une décision en utilisant davantage ses émotions qu’un raisonnement. C’est une façon de procéder très intuitif : le système 1 est aux manettes. Par exemple, nous avons tendance à donner raison aux personnes qu’on aime, même lorsqu’elles ont tort.

Kahneman relate une discussion qu’il a eue avec un investisseur. Il lui demandait pourquoi avoir investi dans l’entreprise Ford et pourquoi il était aussi sûr de son choix. Il lui répondit qu’il s’était rendu à un salon automobile et qu’il avait était impressionné par la marque : “Ils font des belles bagnoles” était son explication. Il aimait les voitures, il aimait la marque et il aimait l’idée d’en détenir des actions. Cependant, il ne répondait pas aux bonnes questions.

L’ancrage

L’ancrage psychologique désigne la difficulté de se défaire d’une première impression ou d’une première idée5. Ce biais cognitif est bien connu des négociateurs. Lors d’une négociation, ils insistent sur un premier montant volontairement élevé afin de l’ancrer et de l’imposer comme référence psychologique à la partie adverse.

L’ancrage biaise aussi les investisseurs. Le prix maximal et minimal récemment atteint par une action est une information dont il est psychologiquement difficile de se défaire. On a du mal à imaginer que le prix puisse aller beaucoup plus haut ou beaucoup plus bas dans le futur.

Le biais rétrospectif

Le biais rétrospectif est la tendance à surestimer le fait que les événements ont une justification et qu’ils auraient pu être anticipés moyennant plus de prévoyance. Cela vient d’un besoin de donner un sens à tout, même aux événements aléatoires, qui n’ont que des explications triviales. Notre système 1 est friand d’histoires.

Ce biais est monnaie courante en finance, où les baisses et les hausses des indices boursiers sont sur-analysés. Les journalistes financiers tendent à corréler ces mouvements épidermiques à l’actualité du jour, quitte à se contredire parfois. Par exemple, le jour de la capture de Saddam Hussein, le prix des bons du trésor américains commença par s’apprécier. L’agence Bloomberg titrait alors “Les bons du trésor montent; la capture d’Hussein ne suffira peut-être pas à résorber le terrorisme”. Cependant, en fin de journée la tendance s’est inversée et Bloomberg titrait “Les bons du trésor baissent ; les investisseurs retrouvent de l‘appétence pour le risque grâce à la capture d’Hussein”. Ainsi, une même actualité était à la fois interprétée négativement et positivement. Pourtant, l’explication la plus probable n’a sans doute rien à voir avec Saddam Hussein et n’est pas très passionnante : il se trouve qu’un plus grand nombre d’investisseurs ont décidé de vendre des bons du trésor plutôt que d’en acheter ce jour-là, indépendamment de l’actualité.

Au-delà de l’anecdote, le risque du biais rétrospectif est de penser que, puisque le passé peut s’expliquer, le futur peut se prédire. De sorte que les investisseurs surestiment leur capacité à prédire l’évolution des cours de bourse.

Conclusion : prendre des décisions dans un environnement incertain

La liste des biais cognitifs est encore longue et nous ne serons pas exhaustifs ici. De ses études sur les biais cognitifs, Kahneman s’est posé la question de savoir dans quelle mesure on pouvait faire confiance à l’expertise d’un professionnel. Quand un jugement intuitif reflète-t-il d’une réelle expertise ? Quand est-ce qu’il n’est qu’illusion ? La réponse est simple, il faut que les conditions pour acquérir des compétences soient réalisées : un environnement suffisamment régulier pour être prédictible et la possibilité d’apprendre cette régularité par la pratique. Le jeu d’échec en est un cas d’école. Aux échecs, l’ensemble des possibilités est déterministe. Une action (déplacer une pièce) à des conséquences connues et prévisibles. Rien n’est dû au hasard et les meilleurs joueurs sont capables d’anticiper plus d’une dizaine de coups à l’avance. Il est flagrant de voir la vitesse à laquelle les coups peuvent être portés par ces joueurs professionnels. C’est leur système 1 qui joue, leur intuition ne se trompe pas.

A contrario, l’environnement financier n’est pas déterministe, les fluctuations des marchés financiers s’apparentent à des processus aléatoires. Avoir un jugement intuitif valide dans ces conditions relève de la voyance ou de l’escroquerie. Dans les environnements aléatoires, Kahneman recommande de fixer des règles de décision et de s’y tenir. Cela est plus efficace et cela évite d’être victime de biais cognitifs. Autrement dit, un algorithme est plus efficace lorsqu’il s’agit de prendre des décisions d’investissement.

A lire : retrouvez tous nos conseils pour investir en bourse.

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Nalo est une société spécialiste en investissements financiers. Conscient du challenge que représentent les prises de décision dans l’environnement financier, nous avons développé des algorithmes puissants permettant de mieux concevoir les allocations de nos clients et ainsi éliminer les biais auxquels nous sommes exposés.

Par ailleurs, les supports d’investissement que nous utilisons sont des fonds indiciels, aussi appelés trackers ou ETF. Ces fonds permettent d’investir dans plusieurs centaines d’entreprises et sont gérés automatiquement. Plutôt que d’essayer vainement de battre le marché en sélectionnant des entreprises selon une méthode hasardeuse, ces fonds répliquent un indice boursier à moindres frais. Les frais étant plus faibles, la performance restituée à nos clients n’en est que meilleure.

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