Robert Shiller et l’Exubérance Irrationnelle : comprendre les bulles financières

Publié le 05/03/2024

7 min
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Robert Shiller, distingué économiste américain, s’est vu attribuer le prestigieux prix Nobel d’économie en 2013, en reconnaissance de ses recherches approfondies sur la volatilité des prix des actifs financiers. Époux d’une psychologue, Shiller a apporté une contribution inestimable à la finance comportementale, un domaine qui explore les interconnexions entre les dynamiques des marchés financiers et les disciplines de la sociologie ainsi que de la psychologie.

Il est renommé pour avoir minutieusement analysé puis anticipé les implosions de deux bulles majeures : celle du secteur internet au début des années 2000 et celle du marché immobilier en 2007, démontrant ainsi son exceptionnelle capacité à comprendre et à prévoir les fluctuations économiques complexes.

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Comment une bulle financière se forme-t-elle ?

Analyse des bulles financières dans « L’Exubérance Irrationnelle » par Robert Shiller

Dans son ouvrage provocateur “L’Exubérance Irrationnelle” (Irrational Exuberance), Robert Shiller entreprend une exploration minutieuse des bulles financières et immobilières à travers un siècle d’histoire financière. Shiller y déconstruit les mécanismes sous-jacents aux bulles économiques, les identifiant principalement comme des phénomènes psychologiques.

Il conteste l’idée largement répandue de la rationalité des agents économiques — qu’ils soient investisseurs, gérants de fonds, traders, entités gouvernementales ou ménages —, qui est pourtant fondamentale dans de nombreuses théories économiques.

Les facteurs déclencheurs des bulles selon Shiller

Facteurs culturels : Shiller met en lumière l’influence des médias et des mythes persistants sur la finance et l’immobilier qui amplifient les erreurs de jugement des ménages, alimentant ainsi l’exubérance irrationnelle.

Facteurs structurels : Il identifie également des mécanismes de rétroaction (feedback loops) au sein des marchés qui, tel un système de Ponzi, favorisent l’auto-entretien des bulles économiques.

Facteurs psychologiques : Enfin, Shiller souligne le rôle prépondérant des biais cognitifs, émotionnels et sociaux qui faussent la prise de décision des investisseurs. Ces biais, inhérents à la nature humaine, sont des vecteurs essentiels dans la formation et l’expansion des bulles financières.

Au commencement des bulles était l’Homme, et l’Homme est biaisé

La psychologie derrière les mouvements du marché selon Robert Shiller

L’approche anthropomorphique couramment utilisée pour décrire les marchés financiers — les percevant comme des entités autonomes réagissant spontanément aux informations — masque la réalité que le marché est, en essence, une agrégation d’acteurs humains. Robert Shiller, dans ses analyses, met en lumière l’influence prépondérante des émotions sur les décisions d’investissement. Il argue que loin d’être le fruit de la rationalité, les choix des investisseurs sont profondément marqués par leurs émotions personnelles.

L’Impact des émotions sur les décisions d’investissement

Les récits de réussite financière engendrent souvent chez l’auditeur des réactions émotionnelles telles que la jalousie ou le regret, qui peuvent devenir des moteurs puissants d’action. Ainsi, ces émotions peuvent inciter à investir impulsivement, sans considérer que les circonstances favorables du passé peuvent ne plus être d’actualité.

Shiller souligne que cette dynamique n’est pas limitée aux amateurs de la finance ; elle affecte également les professionnels. À titre d’exemple, il note qu’en 1999, une fraction minime des recommandations des analystes financiers américains conseillait la vente, une posture qui s’est avérée largement erronée lors du krach de 2000.

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Biais cognitifs et conformisme en Finance

Parmi les nombreux biais cognitifs impactant le secteur financier, Shiller accorde une attention particulière au conformisme — la tendance à aligner ses opinions sur celles de la majorité pour éviter le conflit ou le jugement. S’appuyant sur les travaux du psychologue Solomon Asch, il explique comment ce besoin d’adhésion peut fausser la perception de la réalité des marchés. Le conformisme alimente un cycle où les investisseurs, influencés par une vision unanimement optimiste des « experts », se voient confortés dans leur conviction que les marchés continueront de progresser.

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Le biais rétrospectif et les boucles de rétroaction

Le biais rétrospectif, tendance à croire après coup que les événements étaient prévisibles, combiné à un excès de confiance, peut engendrer des boucles de rétroaction. Les investisseurs interprètent la hausse des prix des actifs, souvent dénuée de fondement rationnel, comme la validation de leurs choix d’investissement, ce qui les encourage à investir davantage, perpétuant ainsi le cycle de hausse.

Pour en savoir plus sur les biais cognitifs : Daniel Kahneman, ces biais cognitifs qui nous trompent

Des boucles de rétroaction structurelles

Mécanismes et boucles de rétroaction amplifiant les Bulles Financières

Outre les biais comportementaux, certains processus mécaniques contribuent également à l’amplification des bulles économiques à travers des boucles de rétroaction. Un exemple notable est la boucle PRIX>PRIX, où l’enthousiasme des investisseurs pour des actifs en hausse auto-entretient cette même augmentation. Cette dynamique peut être exacerbée par une boucle PRIX>PIB>PRIX.

Dans ce scénario, une hausse des prix des actifs financiers ou immobiliers augmente la richesse perçue des ménages détenteurs de ces actifs, ce qui stimule la consommation. Cette dernière, en boostant les performances des entreprises, renforce la confiance des investisseurs dans la poursuite de la hausse des marchés, créant ainsi un cercle vertueux mais potentiellement déconnecté de la réalité économique fondamentale.

Les stop-loss et les bulles négatives

Shiller explore aussi l’effet des ordres stop-loss, utilisés par les investisseurs pour limiter leurs pertes en vendant un actif quand son prix passe en dessous d’un seuil prédéfini. Bien que ces ordres soient conçus pour « couper les pertes » et protéger le capital de l’investisseur, ils peuvent paradoxalement accélérer les mouvements baissiers sur les marchés.

En effet, une baisse significative peut activer les stop-loss des investisseurs, augmentant ainsi la pression vendeuse et provoquant d’autres baisses qui activent à leur tour plus de stop-loss. Ce mécanisme a été identifié comme l’un des facteurs du krach boursier de 1987, où le Dow Jones a enregistré une perte de plus de 20% en une seule journée, le 19 octobre, illustrant la capacité des stop-loss à engendrer ce que Shiller qualifie de « bulle négative ».

Les médias comme catalyseur

Les groupes médiatiques, comme toutes les entreprises, subissent la loi de la concurrence. Il faut vendre du papier. Et pour vendre, rien de tel que des histoires à raconter. Or, des histoires, les prix des actifs peuvent en fournir à foison : plusieurs milliers d’actions qui bougent dans tous les sens, tous les jours, des résultats périodiques, des succès époustouflants et des faillites retentissantes. En fait, à part les actualités sportives, peu de domaines rivalisent avec la finance pour fournir aussi fréquemment de nouveaux sujets.

Cependant, aussi paradoxal que cela puisse paraître, les nouvelles économiques concrètes ont peu d’impact sur les cours. Ainsi, le krach boursier de 1929 n’est lié à aucune véritable nouvelle économique. Il s’explique plutôt par des nouvelles en cascades sur les prix eux-même : une première baisse des prix est relayée par la presse, cela entraîne des ventes massives et donc une nouvelle baisse des prix, à nouveau fortement médiatisée, et ainsi de suite. Le résultat fut une chute spectaculaire, bien en deçà de la valeur fondamentale.

Les mouvements de prix significatifs, observés en période de bulle, ne peuvent exister que si une même opinion (haussière ou baissière) est partagée par un grand nombre de personnes. Or, les médias sont essentiels pour véhiculer des opinions.

Par exemple, la théorie d’une “ère nouvelle” ou d’un “nouveau monde” est une idée fréquemment relayée par les médias. Cette idée a souvent joué un rôle important dans la formation des bulles. Ainsi en 1928, soit quelques mois avant le krach de 29, John Moody, analyste financier fondateur de l’agence de notation Moody’s, s’exprimait dans un article en ces termes : “Une nouvelle ère prend forme dans tout le monde civilisé.

Nous commençons seulement à nous rendre compte peut-être que cette civilisation moderne et mécaniste dans laquelle nous vivons est en train de se perfectionner”. Les mêmes discours seront tenus à la veille de l’éclatement de la bulle des années 2000 pour vanter les mérites d’une nouvelle ère :  celle d’Internet…

Le mythe de l’immobilier

Shiller ne se contente pas d’analyser les cours de bourse, un de ses sujets favoris est la formation des bulles immobilières. Et en matière de bulles, les mêmes causes produisent les mêmes effets.

“Le prix de l’immobilier monte toujours”. Cet aphorisme, tout le monde l’a déjà entendu. Cette idée populaire est si largement répandue que les Japonais lui ont donné un nom : “le mythe de l’immobilier”. Pourtant, quand Shiller commence son étude du marché immobilier américain, il dresse un premier constat : sur le long terme (depuis 1890), le rendement réel de l’immobilier résidentiel est nul. Et pour cause, une maison n’a pas vocation à créer de la richesse. Là où une entreprise fait travailler des hommes, des femmes, et du capital pour créer un produit qu’elle perfectionne dans le temps, le temps qui passe use et dégrade un bien immobilier.  

Pourquoi autant de personnes partagent alors l’idée que l’immobilier est une source de richesse ? Parce que les histoires marquent le cerveau humain davantage que les chiffres.3  En 2004, un couple raconte avoir vendu sa maison 190 000$, alors qu’il ne l’avait acheté que 16 000$ en 1984. Ce genre d’histoires étaient monnaie courante pendant la bulle des subprimes. En apparence, c’est le coup du siècle. En réalité, en tenant compte de l’inflation sur la même période, la plus-value annualisée atteint à peine 1%.   

Ce mythe immobilier aura sans nul doute participé à faire monter la fièvre acheteuse qui s’achèvera en 2007, avec l’éclatement de la bulle et les conséquences que nous connaissons.

L’(in)efficience des marchés

L’ironie (ou la sagesse) du comité de la Banque de Suède aura été de remettre, la même année, le prix Nobel à Robert Shiller et à Eugene Fama. Ce dernier est l’inventeur de la théorie des “marchés financiers efficients”. Un marché est considéré comme efficient si les prix des actifs reflètent pleinement l’ensemble des informations disponibles à l’instant t.

L’idée sous jacente est que les investisseurs analysent l’ensemble des informations disponibles et que la confrontation de l’offre et de la demande se traduit par un prix qui est le reflet de ces analyses. Dans un marché efficient, les bulles ne peuvent pas exister.

Shiller s’inscrit en faux contre cette théorie. Il montre de manière statistique que des anomalies de marché sont incompatibles avec une efficience forte des marchés.4  Il montre aussi que, bien que les prix des actifs soient imprévisibles à court terme (ce qui est un corollaire de l’efficience des marchés), à long terme ils sont partiellement prévisibles.  

Pour réconcilier les deux chercheurs, il faut se placer à deux échelles différentes. À l’échelle micro-économique, les marchés sont efficients. Cela signifie deux choses. D’une part, à court terme, il est vain de penser prédire les marchés en analysant l’historique des cours comme le font les chantres de “l’analyse technique”.

D’autre part, il est vain de penser battre les marchés en faisant du “stock picking”, c’est-à-dire en investissant dans Renault plutôt que Peugeot ou Société Générale plutôt que BNP. De même que comparer deux appartements en fonction de critères objectifs est simple (de par leur situation, leur superficie, le nombre de pièces, etc.), comparer deux sociétés du même secteur se fait aisément (sur la base de leur bénéfice, de leur chiffre d’affaires ou encore de leurs parts de marché).

Si une entreprise est plus chère qu’une autre, c’est qu’il y a de bonnes raisons. En revanche, savoir si dans son ensemble, le marché (financier ou immobilier) est surévalué ou sous-évalué est une tâche difficile. À long terme, dit Shiller, le marché est sujet à des bulles.

Ce que Nalo fait pour vous

Des travaux de Shiller, nous avons tiré deux conclusions :

  • d’une part, comme tout le monde, nous sommes sujets à des biais comportementaux. Pour éviter que ces biais ne viennent réduire la performance de vos investissements, nous avons défini et automatisé un certain nombre de règles gestion. Nos algorithmes, bien que reflétant l’intelligence de ceux qui les ont développés, n’ont pas d’émotions.

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L’essentiel

  • Les marchés financiers et immobiliers peuvent être traversés par des bulles.
  • Les bulles s’expliquent principalement par des biais cognitifs et culturels.
  • Des indicateurs permettent d’identifier les périodes de bulles et d’en amoindrir les conséquences.

Références

  • [1] SHILLER, Robert J.

Irrational exuberance. Princeton university press, 2015.

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